LA FABRIQUE SOUS L'ORAGE.






Photographie de Jean-Claude Claeys

 Peu avant son départ, Jean-Claude Claeys me laisse deux clichés, faits avec son petit Fuji. La vue extérieure témoigne assez bien de la descente prématurée du jour et de la densité de l'orage en préparation... Venu pour signer des tirages limités de quelques uns de ses dessins, reparti peu avant la fermeture de la Fabrique (19 heures)... Il a quasiment le temps, ce jour de plein été, de prendre une photo nocturne ! Aïe, aïe...

 La vue intérieure qu'il me laisse est encore plus dramatique :

 
Photographie Jean-Claude Claeys

 
Il est vrai que l'on voit encore un peu de jour à travers les verrières... Mais déjà, j'ai envoyé toute la sauce, sur ses encres de Chine, pour qu'on puisse y voir quelque chose ! Petits grains orageux qui ponctueront mon dîner... Puis, vers minuit, le grand jeu !
 
L'orage m'oblige à descendre dans la Fabrique, dont le transfo a disjoncté, pour vérifier l'arrivée de la ligne. Du coup, je traverse nuitamment l'exposition Claeys endormie, et ma torche butte sur quelques oeuvres avant que d'atteindre le tableau électrique. Une scène de meurtre imminent fait irruption, distordue par un éclairage qui peinerait l'artiste... Quoique : cette fille va-t-elle vraiment y passer, ou nous regarde-t-elle frontalement en toute connaissance de l'esquive qu'elle va produire (d'une "torsion corrompue de ses reins" comme dirait Claeys) et qui va précipiter le mari dans le vide ?




 
Zut, le faisceau de ma lampe vient cogner contre l'oeil vitré du voyeur... Cette optique de verre qui est comme la prothèse froide de son regard. Curieux, cet effet spéculaire, ce reflet d'une vision déjà comme fatiguée, usée par le permanent "focusing" du maniaque... Allons, Stop à ces distorsions de soir d'orage, et qu'opère sur tous ces simulacres le sortilège de la nuit pacifiante.
 
JEAN-FRANCOIS JUNG